COMME UN MOINEAU

 Auteurs-Compositeurs: Jean Lenoir, Marc Hély

 

C'est dans une gouttière à matous
Dans une mansarde n'importe où
À Montparnasse
Que je suis née un jour sous les toits
Et que j'ai pour la première fois
Ouvert les chasses
Mes père et mère déchars comme tout
Qui de plus n'aimaient pas beaucoup
Sucer de la glace
À l'heure des repas dans note garnot
Me laissaient toujours sans un pelot
Le bec ouvert comme un moineau
À l'âge où tous les autres marmots
À l'école vont se bourrer le cerveau
De belle grammaire
Avec un tas de mauvais loupiots
Dans les coins on allait jouer
Au père et la mère
Sûrement que ces petits jeux innocents
Ne développent pas précisément
Les belles manières
À quinze ans droite sur mes ergots
J'allumais tous les gigolos
L’œil effronté comme un moineau
Le premier qui a voulu ma vertu
Pour me posséder n'a pas eu
À faire un siège
Il n'a eu qu'à ouvrir les bras
Et mon amour est tombé là
Comme dans un piège
Si j'avais l'esprit perverti
Mon cœur au contraire était lui
Pur comme la neige
Nous éveillant sous les beccos
Nous allions à tous les échos
Chanter l'amour comme deux moineaux
Il m'a plaque a-t-il eu tort
Je me suis consolée d'un sort
Qui est le nôtre
Avec un petit gars dessalé
Qui lui pour ne pas travailler
Me vendit aux autres
On s'accoutume à ne plus voir
La poussière grise du trottoir
Où l'on se vautre
Chaque soir sur le pavé parigot
On cherche son pain dans le ruisseau
L’œil aux aguets comme un moineau
L'hiver viendra et mon seul bien
Ce pauvre corps qui je le sens bien
Déjà se lasse
Tombera sur le pavé brutal
Jeté sur un lit d'hôpital
Un soir d'angoisse
Pas plus mauvaise que beaucoup
J'aurais préféré malgré tout
À toute cette poisse
Un homme qui m'eût aimé d'amour
Pour avec lui finir mes jours
Dans un nid chaud comme deux moineaux

 

 

DU GRIS

 

Eh Monsieur, une cigarette
Une cibiche, ça n'engage à rien
Si je te plais on fera la causette
T'es gentil, t'as l'air d'un bon chien
Tu serais moche, ce serait la même chose
Je te dirais quand même que t'es beau
Pour avoir, tu en devines bien la cause
Ce que je te demande : une pipe, un mégot
Non pas d'Anglaises, ni de Gouttes Dorées
Ce tabac-là, c'est du chiqué

Du gris que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est âcre comme du bois
Ça vous saoule
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût
Dans la bouche

Tu n'fumes pas! Eh ben t'en a de la chance,
C'est que la vie, pour toi, c'est du velours,
Le tabac, c'est le baume de la souffrance,
Quand on fume, le fardeau est moins lourd.
Y a l'alcool, me parle pas de cette bavarde,
Qui vous met la tête à l'envers,
La rouquine, qu'était une pocharde,
À donné son homme à des blairs.
C'est ma morphine, c'est ma coco.
Quoi ? C'est mon vice à moi l'perlot.

Du gris que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est âcre, comme du bois,
Ça vous saoule
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût,
Dans la bouche

Monsieur le Docteur, c'est grave ma blessure?
Oui je comprends, il n'y a plus d'espoir
Le coupable, je n'en sais rien, je vous le jure
C'est le métier, la rue, le trottoir
Le coupable, ah je peux bien vous le dire
C'est les hommes avec leur amour
C'est le cœur qui se laisse séduire
La misère qui dure nuit et jour
Et puis je m'en fous, tenez, donnez-moi
Avant de mourir une dernière fois

Du gris, que dans mes pauvres doigts
Je le roule
C'est bon, c'est fort, ça monte en moi
Ça me saoule
Je sens que mon âme s'en ira
Moins farouche
Dans la fumée qui sortira
De ma bouche

 

 

LES HOMMES NOUS AIMENT

 

Qu'il neige qu'il pleuve ou qu'il vente
Aussitôt que la nuit descend
On nous voit passer provocantes
Offrant du bonheur aux passants
Ainsi que toutes les femmes
Nous avons une âme
Un cœur pour chérir
Pourtant nul ne s'en inquiète
Nous ne sommes faites
Que pour le plaisir
Les hommes nous aiment pas pour nous mais pour eux
Ils sont tous les mêmes des blasés des vicieux
Quand l'instinct les guide que cherchent-ils en nous
Une étreinte rapide et c'est tout
Quand de nos caresses ils ont payé le prix
Alors ils nous laissent d'un air plein de mépris
L'amour ce problème ça compte pour bien peu
Si les hommes nous aiment c'est pour eux
On devient triste on devient veule
Et puis tout à coup un beau jour
Lassée de vivre toujours seule
On écoute des mots d'amour
La vie vous semble idéale
Et bientôt le mâle
Se fait exigeant
Et bientôt l'on se rend compte
Pour lui ce qui compte
Ce n'est que l'argent
Les hommes nous aiment pas pour nous mais pour eux
Ce sont tous les mêmes ils cachent bien leur jeu
De façon adroite ils s'y prennent d'abord
Et puis ils vous exploitent sans remord
Au lieu de caresses quand on rentre chez nous
Hélas on encaisse des injures et des coups
L'amour ce problème ça compte pour bien peu
Si les hommes nous aiment c'est pour eux

 

 

 

LES PETITS PAVES

 

Las de t'attendre dans la rue
J'ai lancé deux petits pavés
Sur tes carreaux que j'ai crevés
Mais tu ne m'es pas apparue
Tu te moques de tout je crois
Tu te moques de tout je crois
Demain je t'en lancerai trois
Par devant ta porte cochère
Pour faire tomber tes amis
Trois et quatre pavés j'ai mis
J'exècre tes amis ma chère
Demain je recommencerai
Demain je recommencerai
Et tes amants je les tuerai
Si tu ne changes pas d'allure
J'écraserai tes yeux ton front
Entre deux pavés qui feront
À ton crâne quelques fêlures
Je t'aime t'aime bien pourtant
Je t'aime t'aime bien pourtant
Mais tu m'en a fais tant et tant
Les gendarmes en cavalcade
Viendront m'arrêter pour ce coup
Pour me mettre la corde au cou
Je me construis ma barricade
Et sur ces pavés je mettrai
Et sur ces pavés je mettrai
Mon cœur durci par le regret
Autant de pavés par le monde
De grands et de petits pavés
Autant de chagrins enclavés
Dans ma pauvre âme vagabonde
Je meurs je meurs de tout cela
Je meurs je meurs de tout cela
Et ma chanson s'arrête là

 

 

L’ÉLOGE DES VIEUX

 

Vous connaissez Dame Gertrude
C'est une femme à sentiments
Qui n'est ni coquette ni prude
Et qui pense solidement
On ne voit pas chez cette belle
De jeunes gens avantageux
Non..
Ce sont des vieux, ce sont des vieux
Qu'elle aime à recevoir chez elle
Ce sont des vieux, ce sont des vieux
Qu'avec raison elle aime mieux
Ce sont des vieux, ce sont des vieux
Qu'avec raison elle aime mieux
Nos greluchons sont trop volages
On ne peut pas compter sur eux
Les vieux sont prudents et plus sages
Et méritent mieux d'être heureux
Une jeune trompe sa maîtresse
Mais ceux qui la chérissent mieux
Ce sont les vieux, ce sont les vieux
Ils ont plus de délicatesse
Ce sont les vieux, ce sont les vieux
D'abord ils sont moins dangereux
Ce sont les vieux, ce sont les vieux
D'abord ils sont moins dangereux
Le jeune est toujours dans l'ivresse
Ne suit que son tempérament
Le vieux jouit avec adresse
Avec goût et discernement
On est flattée par la tendresse
De ceux qui s'y connaissent mieux
Le goût des vieux, le goût des vieux
Est toujours si plein de justesse
Le goût des vieux, le goût des vieux
Est aux femmes plus glorieux
Le goût des vieux, le goût des vieux
Est aux femmes plus glorieux
Si l'on n'est pas si bien traitée
Par un vieux que par un cadet
Du moins l'on est plus respectée
Et son hommage est plus discret
Sans abuser de sa victoire
Il est doux et cache ses feux
Mesdames
Prenez un vieux, prenez un vieux
Il ménagera votre gloire
Prenez un vieux, prenez un vieux
Vous vous en trouverez bien mieux
Prenez un vieux, prenez un vieux
Vous vous en trouverez bien mieux

 

 

LILAS BLANC

 

Elle naquit par un dimanche
Du plus joli des mois de mai
Quand le printemps à chaque branche
Suspend un bouquet parfumé

En la voyant toute petite
Si frêle en son berceau tremblant
Sa mère l'appela bien vite
Lilas Blanc, mon petit brin de lilas blanc

Elle poussa douce fleurette
Dans le fond d'un pauvre faubourg
Et dans une triste chambrette
Sans soleil et presque sans jour

En la voyant toujours pâlotte
Avec son sourire dolent
Chacun surnommait la petiote
Lilas blanc, petit bouquet de lilas blanc

Et quand elle eu ses douze années
Lumineuse ainsi qu'un rayon
Elle fit comme ses ainées
Sa première communion

Quand vers l'hôtel d'un air modeste
Elle s'avança d'un pas lent
On aurait cru voir un céleste
Lilas blanc, un vrai bouquet de lilas blanc

Et puis ce fut l'apprentissage
Au cours duquel un beau garçon
Remarqué souvent au passage
Lui fit la cours une saison

Puis un beau soir lui dit "je t'aime"
Ajoutant plus d'un mot troublant
L'appelant ma mignonne et même
Lilas blanc, mon brin joli de lilas blanc

Hélas bientôt l'infortunée
Vit la fin de son beau roman
Car elle fut abandonnée
Par son lâche et volage amant.

Cacha si bien sa peine affreuse
Tout au fond de son cœur sanglant
Qu'elle en mourut la malheureuse
Lilas blanc, à l'heure où meurt le lilas blanc

Mais le printemps fit un prodige
Pour l'enfant qui mourut d'amour
Sur sa tombe on vit une tige
De lilas fleurir en un jour

Et son tombeau perdu dans l'herbe
Est depuis lors une fois l'an
Tout embaumé par un superbe
Lilas blanc, monté du cœur de Lilas Blanc

 

 

27, RUE DES ACACIAS

 

Au 27 rue des Acacias
C'est là c'est là qu'habite Ida
Au 2 c'est une boulangerie
Au 6 c'est un brocanteur
Au 12 c'est une charcuterie
A 16 un marchand de couleurs
Et je me fous de la boulangère
Je me fous du brocanteur
La charcutière m'indiffère
Je suis froid devant le marchand de couleurs
Y'a que le 27 qui m'intéresse
Pour mon cœur c'est la seule adresse
C'est là qu'habite Ida ma maîtresse
Du trottoir je peux voir
Sécher ses mouchoirs
Que cette maison là m'est chère
Que j'aime sa porte cochère
C'est bête je sens mon cœur qui s'arrête
Qui s'arrête net devant le numéro 27
Je sais qu'au rez-de-chaussée
Habite un petit bossu
Un professeur de lycée
Loge à l'étage au-dessus
Au troisième c'est un notaire
A droite un vieux général
A gauche un vétérinaire
Mais tout ça m'est bien égal
Y'a que le septième qui m'intéresse
Y'a qu'au septième qu'y a de l'ivresse
C'est là qu'habite Ida ma maîtresse
Du bas de l'escalier
Je vois son palier
Je grimpe en courant quatre à quatre
Ida m'attend prête à s'ébattre
Mon âme sœur n'a pas l'ascenseur
J'arrive en nage
Quand j'arrive au septième étage
Elle a dans sa petite chambrette
Des tas d'objets de valeur
Le portrait de marie-Antoinette
Et des femmes nues en couleur
Et puis deux fauteuils rustiques
Un poisson dans un bocal
Un presse-papiers à musique
Le sabre d'un amiral
Mais y'a que le lit qui m'intéresse
C'est un lit des Galeries Barbès
C'est là que couche Ida ma maîtresse
La luxure insensée me laisse glacé
Y'a qu'une maison qui m'intéresse
Y'a qu'un étage où y'a de l'ivresse
Y'a qu'un lit dans Paris
C'est là-bas le lit d'Ida
Au 27 rue des Acacias

 

 

AMOUR, ALLERGIES

 

Texte : Marie Paule Belle / Michel Grisolia / Isabelle Mayereau

Musique : Marie Paule Belle

 

Je m’suis trouvée dans tes bras

Tu ne t’y attendais pas

Et tu t’es retrouvé nu

Quand je n’ m’y attendais plus

 

La pulsion fût si soudaine

Sur la moquette en pure laine

Nous n’avons pas eu le temps

De nous connaître vraiment

 

Les acariens ont souri

De nous voir sur le tapis

Chez moi la moindre passion

Déclenche une démangeaison

 

On est parti en week-end

Se rouler dans la lavande

Attaqués par les abeilles

Nous étions toujours en veille

 

On a fui jusqu’à la plage

Il y avait des coquillages

Mais quand on n’a plus d’orteils

L’amour ce n’est plus pareil

 

Les crustacés ont souri

De nous voir dans le roulis

Avec tous les Aoutats

Oh la la, quel sale état !

 

Arrivés à la bicoque

Nous étions couverts de cloques

Ça nous démangeait beaucoup

Des oreilles jusqu’aux genoux

 

Se gratter ça n’a qu’un temps

J’ai balancé mon amant

On finit par se lasser

De l’amour « poil à gratter »

 

L’Amour fou, quelle allergie

J’en ai de nouveau envie

Quel sera le beau garçon

Qui me donn’ra des boutons ?...